J'ai testé pour vous...

Notre "case" après le passage du cyclone Firinga en janvier 1989 (La Réunion)
Notre "case" après le passage du cyclone Firinga en janvier 1989 (La Réunion)

J'ai testé pour vous... un cancer bien invasif et angoissant avec son trio de traitements barbares : je ne recommande absolument pas.

J'ai testé ensuite une ostéoporose sévère et fracturante que je ne conseille pas non plus.

J'ai testé plus tard une lymphangite : ce n'est pas agréable du tout et en plus c'est risqué : à éviter donc.

J'ai encore testé une hydronéphrose et un début de pyélonéphrite. Oubliez ! Ça ne vaut rien.

Et cerise sur le gâteau je teste actuellement ce dont tout le monde parle, les effets du Lévothyrox nouvelle formule.

 

Tout ça en deux ans et demi. Cela m'a donné et me donne encore du fil à retordre et m'occupe presque à temps plein.

Je crois que j'ai bien gagné mon diplôme de testeuse !!!

 

Aujourd'hui, je voudrais vous parlez d'un autre événement que j'ai "testé" il y a 28 ans de cela.

 

Nos îles ultramarines caribéennes sont actuellement sous l’œil dévastateur des monstres cyclopéens qui se succèdent sans répit, avec leur spirale de serpents blancs, tourbillonnants et sifflants autour de leur tête, tels des Gorgone : ils ont pour nom, Harvey, José, Irma, Maria...

(Crédit photo CEDRIK-ISHAM CALVADOS / AFP)
(Crédit photo CEDRIK-ISHAM CALVADOS / AFP)

 

En 1989, nous vivions sur une île, sous un autre Tropique, presque à l'opposé des Caraïbes, dans l'Océan Indien, sur l'île de La Réunion.

Et un de ces monstres est venu nous rendre visite.

Il s'appelait FIRINGA, ce qui signifie en Malgache "orgueilleux" ou "capricieux". Il fut les deux.

 

A vrai dire, nous n'étions pas chez nous lorsqu'il a frappé.

Et c'est tant mieux !

Je n'ai donc pas testé la violence et les hurlements des vents, ni le déferlement de vagues gigantesques, ni les flots des pluies diluviennes.

Je n'ai pas eu à tester non plus l'angoisse face à son approche et son imminence, sous un ciel de plomb et de cuivre.

Ni la terreur lorsqu’il a pilonné, éclaté notre maison.

Je n'ai pas entendu le bruit des tôles envolées qui frappent les murs, le son sourd des arbres qui tombent, le roulement et la fureur des vents, qui secouent et emportent les cases comme fétu de paille, dans un bruit assourdissant de train lancé à pleine vitesse, ni le fracas des vagues énormes qui s'écrasent sur les rochers faisant vibrer les entrailles de la terre...

 

Non. Nous n'avons pas testé cette horreur.

 

Mais nous avons testé l'après.

L'après cyclone.

Cet "après" dont les médias ne parle pas, ou seulement en terme de morts, disparus et coûts des dégâts, car l'actualité se précipite, hélas, quotidiennement au portillon des informations à apporter au peuple gourmand d'émotions fortes. Et à chaque jour suffit sa catastrophe.

Ciel de veille de cyclone (à voir et lire sur le blog défense patrimoine Reunion974's   https://dpr974.wordpress.com/2013/01/13/en-plein-coeur-du-cyclone/
Ciel de veille de cyclone (à voir et lire sur le blog défense patrimoine Reunion974's https://dpr974.wordpress.com/2013/01/13/en-plein-coeur-du-cyclone/

  

Et Firinga n'y a pas été avec le dos de la cuillère. Il a touché l'île de La Réunion le 29 janvier 1989. 

Certes ce n'était pas encore le monstre Irma ! Ou Maria !

Sur l'échelle des cyclones il ne fut classé "que" en catégorie 2... sur 5. 

Mais pas partout... si l'on considère la force des vents...

 

 "Les vents les plus violent ont été relevés à St Pierre à 216 km/h avec des rafales jusqu'à 230 km/h mais des vent supérieurs ont dû souffler dans la région allant de l'Étang Salé à St-Leu où des toits et des murs se sont littéralement envolés, emportés sur plusieurs dizaines de mètres. Les dégâts dus au vent et à la pluie sont considérables surtout dans le Sud où Firinga a marqué les esprits. 1500 habitations détruites, 1 milliard de francs de dégâts". 

Sources : Météo Avirons 

Echelle de Saffir-Simpson
Echelle de Saffir-Simpson

Et justement notre "case", notre jolie maison en bois, sa varangue et son agréable jardin, que nous louions et aimions beaucoup, était située sur le littoral, pile poil entre Etang-Salé et St Leu.

 

Plus précisément au lieu dit "La Veuve" (du nom de la ravine du même nom).

Notre case et son jardinet exotique, en 1987 au lieu-dit La Veuve, peu après l'avoir louée.

 

Depuis, et très rapidement, ce qui restait de notre case a été d'abord largement pillé, puis rasé.

 

Seuls les filaos, les aloès et le gros ficus où jouait notre fille (elle y avait fait son "camp" avec un hamac et une cabane) sont restés en place...

Le propriétaire d'alors n'a pas voulu, ou pu, reconstruire et c'est désormais une yourte (oui ! oui ! oui !) qui s'est montée là pour organiser et présenter des spectacles ou autres festivals (Yourtes en scène - 103 Route Nationale 1, lieu dit "Ravine la veuve" 97436 Saint-Leu, Réunion)

La yourte "spectacle" au lieu-dit "la Veuve" (au centre de l'image) qui a remplacé notre maison...
La yourte "spectacle" au lieu-dit "la Veuve" (au centre de l'image) qui a remplacé notre maison...

Vacances australes en métropole

 Fin décembre 1988, nous avons fêté, en avance, la Noël avec nos amis, puis nous avons rangé et fait le grand ménage dans la maison  pour avoir le plaisir de la retrouver propre et agréable à notre retour de métropole, avant la rentrée scolaire de février.

 

Nous avons également mis à l'abri des voleurs jouets cassettes et autre chaîne hifi dans des cantines en fer cadenassées... car nous avions été cambriolés dans notre case précédente et en avions gardé un souvenir cuisant et fâcheux et nous espérions que les cadenas dissuaderaient ou au moins retarderaient d'éventuels voleurs...

Sage précaution.

 

Puis nous avons fait nos bagages, salué nos voisins qui habitaient une case identique à la nôtre, juste derrière et qui ont promis qu'ils feraient bonne garde... fermé la maison et sommes partis.

Mini "sapin" et crèche improvisée à Marrakech 1989
Mini "sapin" et crèche improvisée à Marrakech 1989

Notre ami Loulou nous a accompagnés à Gillot, à l'aéroport Roland Garros... d'où nous avons décollé, direction Marseille dans un premier temps, puis Casablanca et enfin Marrakech dans un deuxième temps. C'est là que nous avons passé un Noël des plus frugal et des plus difficile de notre vie à trois !

 Il faisait un froid intense et humide (il avait plu à l'automne, chose apparemment rarissime) et notre chambre d'hôtel, pourtant relativement chère, n'était pas du tout chauffée... or nous venions de quitter notre île avec une température avoisinant les 35 ° !

 

Le voyage marocain s'est ensuite poursuivi, en autobus cette fois vers l’Atlas enneigé (Ouarzazate) et le désert (Zagora), avec un froid sec et glacial, un ciel de diamant pur... des températures sous le zéro, inusitées pour le Maroc... Et un bon rhume à tour de rôle. Lou dont la fièvre monta jusqu'à plus de 40 fut le plus touché ! Je le gavais de mandarines, de dates et d'aspirine !...

 

Nous enfilions tous nos vêtements les uns par-dessus les autres,  selon la technique des pelures d'oignon, et les chèches achetés au souk de Marrakech furent immédiatement mis à contribution.

 

Peu après le Jour de l'An, nous sommes revenus en France, chez mes parents : ma mère souffrait à cette époque et depuis presque trois ans d'un myélome multiple, auquel elle ne survécut que six mois de plus, et de diverses fractures de vertèbres induites par sa maladie et dont je sais désormais, pour l'avoir testée... l'intensité de la douleur...

 

Elle était alors en rémission depuis environ trois mois et nous sommes restés avec elle le plus possible.

Le Petit Train Jaune
Le Petit Train Jaune

 Néanmoins, nous avons rendu de courtes visites à nos amis "métropolitains", à la mère et au père de Lou à Marseille, et nous avons également pris le train (et Le Petit Train Jaune !) pour aller à Font-Romeu, où nous avons passé quatre jours à faire du ski, de la luge et du patins à glace.

Ce qui nous fit le plus grand bien.

 

C'était nos grandes vacances australes après tout...

 

Vers le 27 et 28 janvier, alors que le séjour s'achevait, nous avons vu à la télévision, chez mes parents, aux informations, qu'une dépression tropicale s'approchait de la Réunion.  

 

Elle s'appelait Firinga.

 

Ce n'était pas la première fois. Et la plupart du temps, les dépressions frappaient la côte Est, ou Sud. Mais nous habitions "sous le vent", à l'ouest... Entre St Leu et Etang Salé donc... 

Nous en étions en général quittes pour une belle angoisse, des pluies diluviennes, et quelques bonnes rafales de vent.

 

Et puis le propriétaire venait de nous refaire un toit tout "neuf" : il avait recouvert les jolis bardeaux de bois qui commençaient à se détacher et  tomber, par un toit de tôle blanche, moche, cloué par-dessus mais apparemment efficace : nous l'avions testé avant de partir avec de belles averses tropicales... 

 

Nous sommes donc partis, inquiets, mais sans plus, attendant de voir la suite des évènements, car nous étions invités pour deux jours chez des copains de longue date, les "Madomi", à Murviel-les-Béziers. Balade dans la garrigue, bons petits repas, musique...

 

Dans la nuit du 28 au 29 janvier, la dépression est devenue cyclone.

Nous l’ignorions.

Cyclone Firianga - janvier 1989 - en approche de La Réunion
Cyclone Firianga - janvier 1989 - en approche de La Réunion

 

Dans l'après-midi du 29, le téléphone a sonné chez les Madomi : c'était ma mère.

Elle était à cran, la voix tremblante et la gorge serrée, ce qui ne présageait rien de bon... Sans ménagement, en bonne fille de paysans pour lesquels le téléphone était alors uniquement utilitaire et remplaçait les télégrammes, porteurs de bonnes mais plus souvent mauvaises nouvelles, elle m'annonça tout de go :

"Oui, bon, vos amis de La Réunion ont téléphoné, le cyclone est passé en plein chez vous et votre maison n'a plus de toit, vous avez tout perdu. Tout est foutu"...

Silence.

J'encaisse la nouvelle.

Ça tourne à toute vitesse dans ma tête. J'entrevois ce qui nous attend.

Fleur, qui avait pris l'écouteur au début de la conversation, a tout entendu.

Elle s'est alors tournée vers moi et d'une toute petite voix m'a interrogée : "ma chambre aussi ?"

Ma mère à l'autre bout lui a répondu aussitôt : "Oh oui ma pauvre, ta chambre aussi, tout, tout est détruit."

J'ai vu arriver les larmes dans les yeux de Fleur... Ma toute petite fleur.

 

J'ai raccroché rapidement et je l'ai prise dans mes bras en lui disant, le plus calmement que j'ai pu :

"Nous sommes là, tous les trois, vivants, c'est le principal ; on va bien. Pour le reste tu sais, ça se remplace, on rachètera, on louera une autre maison, ne t'en fais pas. L'essentiel c'est nous trois. Et nous trois on est là. Ensemble. Et on s'aime. On est solide"

Un peu rassérénées nous avons rejoint Lou qui discutait au salon avec nos amis, sans se douter de rien.

Et je lui ai appris la nouvelle.

 

Notre avion de retour était le 6 février. Arrivée prévue à Gillot le 7. Que faire ? Avancer notre vol ? Rentrer le plus vite possible ? 

Finalement nous avons pris, d'un commun accord, la décision de rentrer comme prévu. Trop compliqué de modifier le vol et puis surtout qu'aurions-nous pu faire de plus en rentrant deux ou trois jours plus tôt ? Cela ne ferait pas de différence. Ce qui était détruit était détruit.

 

Ma mère a profité de ces quelques jours et d'un semblant de santé revenue, pour faire des courses avec nous dans la grande surface voisine, pour Fleur, pour la rentrée de Fleur (ma mère était institutrice). Et Fleur, fait rarissime, a eu même droit à un paquet de friandises !

Puis ma mère m'a donné 1000 francs (150 €) : un coup de pouce, a-t-elle dit, pour parer aux petites dépenses imprévues et urgentes.... 

Le jour du départ, elle nous a regardé partir. 

Son cancer s'était réveillé.

Elle le savait. Je le savais.

Je me suis dit que je ne la reverrai plus jamais, du moins en bonne santé. Elle est morte en juin de la même année.

 

Le bus nous a emmenés à la gare.

Mon père, comme à son habitude, n'a pas semblé outre mesure affecté par la catastrophe qui nous arrivait. A-t-il seulement réalisé ? Lui qui ne s'occupait plus que de sa petite personne... et de ses malheurs, à lui.

Quant à la famille de Lou, elle n'a pas donné signe de vie.

 

Nous avons atterri sur une île désolée, dévastée, ou presque plus aucun arbre n'avait de feuille, où des débris et des tôles jonchaient le sol et où les gens étaient en état de choc. 

  

Notre copain Loulou est venu nous chercher à l'aéroport et nous a conduit chez lui, où nous avons pu poser notre fatigue du voyage ainsi que nos bagages. Chemin faisant nous observions en silence les arbres déplumés, des tôles arrachées, fichées dans des arbres, dans des murs, tordues comme des feuilles de papier, des sols boueux, détrempés, des gens au regard absent, fouillant dans des décombres....

 

Loulou et Annick, sa femme, nos amis, nous ont hébergés, jusqu'à ce que nous retrouvions un toit. Par bonheur leur case n'avait pas souffert. Et si l'électricité était toujours coupée, ils avaient l'eau.

Le soir même, avec Léna leur fillette, la meilleure amie de Fleur, un peu comme sa petite sœur, Loulou nous a conduits jusque à notre "chez nous"...

 

Première vision.

Premier choc.

Balustrade arrachée, la moitié du toit n'était plus à sa place... mais par terre, d'un seul tenant, comme si le vent avait soulevé le couvercle d'une boîte.

Et il avait eu la mauvaise idée d'entraîner un arbre dans sa chute qui était tombé sur notre voiture... tant qu'à faire...

Un peu absurdement, la porte d'entrée avait résisté et était toujours fermée à clé, ce qui avait finalement facilité le travail de nos voisins qui ont ainsi pu garder la maison contre les pillards. Car ceux-ci ont circulé très rapidement après le passage de Firinga à bord de pick-ups Peugeot, afin de récupérer tout ce qui pouvaient l’être.

 

Lou a ouvert la porte. Des "choses" amoncelées derrière la bloquaient et il a fallu pousser.

Une odeur âcre de tisane nous a surpris : les feuilles arrachées par le vent mêlées à l'eau qui stagnait nous avaient fait une belle décoction de bienvenue !

 

Tout était pêle-mêle et détrempé ! Le cyclone avait joué à la centrifugeuse avec nos petites affaires.

Le plafond, gorgé d'eau, qui faisait aussi office de plancher de l''étage menaçait de s'effondrer. Il fallait faire vite et dégager rapidement tout ce qui pesait trop dans les pièces du haut. Meubles, cantines, étagères, matelas (bons à jeter) bouquins (s'il en restait) et tenter de mettre le maximum de choses hors d'eau.

Ce premier constat fait, nous avons rassemblé et pris quelques affaires, et puis nous sommes rentrés chez nos amis pour nous reposer. 

Le lendemain, nous nous sommes mis au boulot.

Pendant toute la semaine qui suivit, nos journées furent occupées à trier, essayer de sauver un maximum de choses, mettre ce que nous ne pouvions pas emmener immédiatement hors d'eau, dans la cuisine, ou la salle d'eau qui avaient mieux résisté, et commencer à remonter et entreposer des affaires chez nos amis qui habitaient dans les hauts, afin de les stocker dans une des petites dépendances de leur maison, qui était une jolie case créole traditionnelle, toute de bois et lambrequins, avec d'anciens petits abris pour les poules, les cochons, où nos amis rangeaient leur "bazar", et un beau verger de manguiers, papayers, pamplemoussiers, litchis... Hélas déplumés comme de vieux poulets.

Sans électricité il était impossible de laver et faire sécher la moindre chose.

Le téléphone était coupé aussi bien entendu.

 

Malgré toute notre bonne volonté, il nous a fallu abandonner à regret, pas mal de choses, constater que nos photos étaient collées entre elles et fichues pour la plupart, tout comme les livres dans leurs étagères, devenus pâte à papier et soudés comme des parpaings... 

Beaucoup d'objets avaient disparu, emportées dans la nature par la machine à laver du ciel. D'autres, tel un beau cerf-volant, avaient atterri chez nous, alors que notre lampe à pression Coleman n'étaient plus là.

Parfois, bien plus tard, en cherchant en vain quelque chose que nous savions avoir, nous réalisions que Firinga l'avait emportée sur son passage...

La chambre de Fleur avant le départ, et au retour...

 

La fatigue aidant nous ne savions parfois plus trop par où continuer. Ni ce que nous faisions. Si c'était utile ou dérisoire. Envie de tout laisser là... Repartir à zéro et à neuf. 

  

Il a fallu aussi se trouver une autre voiture, aller à St Pierre pour s’occuper de l'assurance, des papiers... Expliquer que nous n'avions plus de factures mais que nous ferions des photos... Aller à la mairie demander s'il y avait quelque chose de prévu pour les sinistrés. "Vous n'avez pas de la famille pour vous loger ?" nous a-t-on répondu... 

 

J'ai retrouvé mon cartable en cuir avec des moisissures de plus de 20 cm de haut !... C'était cocasse.

Il fallait préparer la rentrée. Cahiers et livres étaient en piteux état. Fleur et moi avons dû racheter de la papeterie de base, à St Leu. Les 1000 francs de ma mère servirent à cela, ainsi qu'à l'achat de quelques habits, à St Louis, au "King Solde"... qui soldait... 

Le camp de Fleur (sa cabane et son hamac) sous le ficus, dans le jardin... avant Firinga

Fleur, qui était venue avec nous les premiers jours, mais restait maintenant avec la petite Léna, avait longuement cherché, en vain, dans les décombres de sa chambre, ses jouets et ses livres préférés qui n'avaient pas été mis à l'abri dans les cantines. Surtout ceux qu'elle avait reçus avant de partir pour la Noël anticipée... Notamment l'album de Mickey qu'elle n'avait pas eu le temps de lire et qui avait disparu. Elle en retrouva quelques pages éparses et la couverture moisie et disloquée dans ce qui restait du jardin.

 

Nulle trace non plus de sa cabane...

Ce petit "tipi" de bois, de bric et de broc que nous avions construit ensemble, elle et moi, avec des chutes du chantier de la maison voisine, avait été soufflé comme la maison de paille des trois petits cochons, par un loup autrement terrifiant et puissant.

 

Nous avons aussi laissé là, dans ce qui restait de ce qui fut sa chambre, et je ne sais pas pourquoi, son garage de petites voitures, ce qui la rendit bien malheureuse.

 

Parfois nous avions envie de rire tellement tout cela semblait irréel. Parfois de pleurer.

 

L'impression de fouiller une décharge, faite de tous nos objets familiers.

 

Vingt-huit ans après, je rêve encore de ce grand chaos indescriptible. Je me retrouve souvent sur ce bout de rocher noir, sur lequel s'abat l'inconcevable, et je vois des bribes de ma vie en lambeau, dans une maison en ruine.

 

Et lorsque, désormais, ici, dans le Lot, le vent souffle un peu trop fort, ou la pluie tombe trop drue... J'ai peur.

 

Bien entendu, il est apparu aussi, de façon évidente, que si le toit s'était envolé, c'était dû, en partie, au fait que les poutres et la maison entière était infestée de termites...

 

Notre voisin, que nous sommes allé remercier pour avoir fait bonne garde, s'était battu toute la nuit pour tenter, avec des cordes et des chaînes de maintenir le toit en place alors que par moment les tôles menaçaient de se soulever.

Il avait aussi cloué aux fenêtres, les portes intérieures dégondées.. Et sa femme qui venait d'avoir un bébé était restée avec le nouveau-né, blottie dans les toilettes, un des seuls endroits qui arrive encore à résister aux coups de boutoir des vents en furie. Tous deux étaient encore traumatisés.

 

Il a fallu aussi se nourrir.

Les réserves de nos amis n'étaient pas inépuisables ! Et les "boutiques" avaient été dévalisées en prévision du cyclone. Il ne restait plus rien, ou plus grand chose. Et l’approvisionnement tardait à venir.

Fruits et légumes étaient absents des étals. Le riz et les conserves s'épuisaient. Pas de viande, plus de "boucané" plus de saucisse...

 

Lou est alors allé s'acheter un fusil de pêche, son ancien ayant disparu dans l'aventure, et est allé plonger. Pour nourrir la petite tribu !

 

Et le ciel, l'eau et la mer, revenus à la raison, lui ont offert un magnifique thon carangue, le plus beau et le plus gros jamais pêché par lui !

La bonne pêche de Lou !
La bonne pêche de Lou !

 

Et puis, le jour de la rentrée est arrivé. Le principal du collège et le gestionnaire, informés de notre mésaventure nous ont immédiatement proposé de nous loger dans un appartement de fonction vide, le temps pour nous de trouver une location.

Nous sommes restés là, pendant quinze jours, faisant la navette entre notre pauvre case en miette, et cet appartement, clair et propre, havre de paix pour nous, ce qui nous fit le plus grand bien, remontant une à une ce qui restait de nos affaires les plus lourdes et les plus grosses, grâce à une camionnette prêtée par un collègue.

 

L'avantage du collège était qu'il avait non seulement l'eau mais également l'électricité ce qui nous a permis de vérifier ce qui fonctionnait encore, ou pas, faire des lessives, et sécher à l'intérieur sur un étendoir que je suis allé acheter au "chinois", non seulement nos vêtements et autres linge et tissus, mais également les pages des livres, les photos que nous avions pu extirper de leur gangue... les nettoyer, les passer au four tiède ou les repasser...

 

Et surtout souffler un peu.

Au collège Marcel Goulette de Piton St Leu

 

Et pendant que Fleur et moi étions désormais en cours, Lou a cherché et trouvé, un peu plus dans les hauts, vers les champs de cannes, au-dessus des bougainvilliers, des flamboyants et des jacarandas, des jacquiers et des manguiers, une nouvelle maison. En dur. Avec des voisins bruyants, certes, et des carrelages horribles, mais une vue sur les horizons infinis de l'Océan Indien, où étrangement jamais aucune voile ne passait...

Et la joie de retrouver quelques objets, livres, cassettes ou disques vinyles que l'on avait cru irrémédiablement perdus, et le plaisir de fêter un premier anniversaire dans cette nouvelle vie... 

 

Les sourires sont revenus.

Et la vie a repris son cours. 

 

Le vie reprend  ses droits dans notre nouvelle "case" du Chemin Lancastel à Piton-St-Leu


Merci à toutes celles et ceux qui nous ont soutenus et aidés.

C'est aussi grâce à eux que nous n'avons pas fait naufrage dans cette tempête.


PS : quelques jours après, notre case fut la proie des pilleurs d'épave...


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